Haïti, décidément, est un théâtre d’une absurdité tragique. Comment comprendre, sinon en riant jaune, que le plus zélé promoteur des sanctions se retrouve aujourd’hui ciblé par ces mêmes foudres ? *L’arroseur, arrosé jusqu’à l’os*. Le karma, semble-t-il, possède un sens de l’ironie aussi tranchant qu’une machette.

On se souvient de Fritz Jean, prophète autoproclamé de la vertu, passant la quasi-totalité de son mandat à la tête du CPT à griffonner des missives incendiaires. Sa plume était un glaive : il exigeait, sommait, forçait un État fantôme à pourchasser les « sanctionnés ». Il s’érigeait en grand inquisiteur d’un système qu’il prétendait purifier.

Et voilà que le masque tombe. Les Américains, dans leur laconisme impitoyable, ont dégainé la vérité : *l’homme qui réclamait des têtes aurait, selon leurs dires sans appel, « entretenu ses propres rapports avec les gangs* ». Le justicier s’avère être un cavalier de l’ombre. L’accusateur public est rattrapé par le dossier qu’il a lui-même ouvert.

Mais au-delà de cette hypocrisie crasse, une question, brûlante d’actualité, s’impose : *un sanctionné, un homme ainsi stigmatisé par la communauté internationale, peut-il légitimement se maintenir au pouvoir* ? La seule réponse possible est non. C’est une insulte à la nation, une gifle au peuple et une violation flagrante de toute éthique.

Pourtant, dans un retournement aussi pathétique qu’arrogant, Fritz Jean, hier encore procureur de la République, se mue aujourd’hui en tribun de l’opposition. L’ancien censeur du système devient son critique le plus véhément. Il pointe du doigt, il accuse, il tempête. Mais qui peut prendre au sérieux les leçons de morale d’un homme dont la crédibilité a été pulvérisée par ses propres contradictions ?

Ce spectacle est sinistre. C’est celui d’un homme qui, pris la main dans le sac de ses compromissions, tente de se refaire une vertu en criant plus fort que les autres. *Son jeu est transparent : noyer son discrédit personnel dans le chahut général. Ne vous y trompez pas. Ses accusations ne sont que la fumée destinée à cacher l’incendie qu’il a lui-même aidé à allumer. 

                                                                                                    
                                                                                       ELIE BEAUVAIS