QUELS SONT LES PERDANTS DE LA FERMETURE ENTRE LA RÉPUBLIQUE DOMINICAINE ET HAÏTI .

• 23/09/2023
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Cela fait maintenant trois jours que la République dominicaine a entièrement verrouillé ses frontières avec Haïti. Cette décision pénalise les deux pays sur le plan économique. Y compris le plus riche des deux, la République Dominicaine.

Son PIB par habitant est de 10 000 dollars. C'est cinq fois plus que chez le voisin haïtien. Le premier est considéré comme l’un des joyaux des Caraïbes, avec une croissance stupéfiante depuis une dizaine d’années, de l'ordre de 5% par an. Grâce à la libéralisation des échanges, à l'essor du tourisme et des zones franches ouvertes pour diversifier les activités. Son décollage est encensé par le FMI. Tandis que l’économie haïtienne dépérit depuis 2019. Minée par la crise politique et sécuritaire. Malgré ces trajectoires divergentes, leurs économies demeurent inextricablement liées. Par l’histoire et la géographie puisque les deux États se partagent l’île d’Hispaniola. C’est d’ailleurs l’exploitation du fleuve séparant les deux pays qui a provoqué le courroux du gouvernement dominicain. Le projet de canalisation, pour irriguer les terres agricoles sur la rive haïtienne, a bien été accepté par la République dominicaine il y a cinq ans, mais la reprise spontanée du chantier, sans l'aval des autorités, a réveillé la colère de Saint-Domingue.

A priori les plus fragiles, les Haïtiens, sont les premières victimes de ce nouvel épisode de la guerre de l’eau

Saint-Domingue exporte des biens essentiels pour les Haïtiens. Pour moitié des vivres et pour moitié des biens intermédiaires comme le coton, le ciment ou le polymère, des produits indispensables pour les activités encore en service. Cette fermeture des frontières est donc une rupture d’approvisionnement majeure pour les Haïtiens. Mais c'est aussi par ricochet un manque à gagner substantiel pour les exportateurs dominicains. Car le commerce entre les deux pays, environ un milliard de dollars par an, est quasiment à sens unique. Il est composé à plus de 90% des exportations dominicaines. Haïti est l’un des rares pays avec lequel la République dominicaine a un excédent commercial. Dans la presse locale, plusieurs experts estiment qu’un jour de blocus coûte plus de 4 millions de dollars aux entreprises dominicaines. Un malus à relativiser en termes macro-économiques. Haïti représente 10% du commerce dominicain. Environ le même poids que la Suisse, le pays où l’or extrait est expédié. Et un poids plume comparé à celui des États-Unis. Les États-Unis absorbent plus de la moitié des exportations dominicaines. C'est aussi le pays qui fournit le plus d'investissement direct étranger. Et enfin le pays où la diaspora dominicaine est installée. Une source considérable de revenu. Les transferts des émigrés contribuent à hauteur de 11% au PIB dominicain.

La République dominicaine est aussi une terre d'immigration pour les Haïtiens

Au moins 500 000 Haïtiens sont installés chez le voisin. Malgré l’hostilité croissante des Dominicains, ils continuaient à venir tenter leur chance de l'autre côté du fleuve. Ils sont très nombreux à travailler dans les secteurs les plus ingrats et les plus mal rémunérés, comme la canne à sucre, l'activité historique de la République dominicaine. Souvent sans papier, ou s'ils ont réussi à en obtenir, peinant à faire reconnaitre leurs droits sociaux. Avec la corruption et le trafic de drogue, cette économie à deux vitesses, avec des inégalités criantes de revenus et de traitement est l'envers du décor de ce décollage spectaculaire. En République dominicaine trois emplois sur cinq ne sont pas déclarés. Et ils sont souvent occupés par cette main-d'oeuvre haïtienne bon marché et corvéable à merci. Un sociologue dominicain estime que le travail fourni par les Haïtiens contribue au PIB dominicain à hauteur de 14%. Malgré le discours hostile et les expulsions pratiquées à grande échelle par le président Abinader actuellement en campagne pour sa réélection en 2024, la main-d'oeuvre haïtienne demeure vitale pour le développement de la perle des Caraïbes.